Photos et cartes postales

Le pont Carnot en construction (v. 1870)

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Éditeur : AmateurN° de carte : -
Commune : Collonges-Fort-l'Ecluse (01)Lieu-dit : Pont Carnot

Histoire de la construction du pont Carnot racontée par un randonneur de la section genevoise du Club Alpin Suisse lors de la course de printemps au Vuache en 1870.

" On descend à la station de Collonges, à quatre lieues de Genève. La descente opérée, la longue bande (des randonneurs) s’achemine vers le Rhône dont elle suit les bords par un sentier souvent rongé des flots, tantôt sur les cailloux, tantôt dans les prés, au pied des vignes, à travers ruisseaux et ravins.

Le temps se découvre tout à fait. Les longues crêtes du Jura, marbrées de neige se dessinent sur un ciel d’azur. La mystérieuse gorge de l’Ecluse nous livre tous ses secrets. On a passé devant le bac de Collonges sans s’y arrêter et après ¾ heure de marche, on arrive à la tête du grand pont en construction qui doit relier la route impériale de Bellegarde à Saint-Julien, à un kilomètre du Fort de l’Ecluse.

Le pont de Collonges, commencé au printemps de l’an passé, et qui sera achevé en 1871 dit-on, est certainement une œuvre d’art remarquable à ce point de vue surtout que sa construction présentait des difficultés particulières. Le Rhône qui se prépare à franchir le défilé entre le Vuache et le Fort de l’Ecluse, encaissé depuis quelques minutes, n’est guère large à cet endroit de plus de 35 à 40 mètres ; mais sa profondeur est considérable et sa rapidité telle qu’il ne fallait pas songer à jeter une pile au milieu. De plus, la berge de la rive gauche, formée de débris de l’époque glaciaire et d’alluvions, ne présentait point une consistance suffisante pour l’assise de la culée ; on a du fouiller profondément dans le lit du fleuve et pour cela on a eu recours à l’air comprimé. Qu’on se représente une gigantesque caisse en tôle, sans fond, dans laquelle travaillent les ouvriers et qui descend à mesure qu’ils creusent. L’air comprimé par une puissante machine s’oppose à l’irruption des eaux. Au dessus de la caisse, les maçons élèvent les assises. Les appareils en fer on été exécutés par M. l’ingénieur Lullin qui a eu l’obligeance d’assurer notre passage sur le pont de service. L’arche, en pierre du Jura n’aura pas moins de 40 mètres d’ouverture.

Nos clubistes s’engagent prudemment et par petites files sur la légère passerelle perchée à 20 mètres au-dessus des flots… De nombreux ouvriers frappent la tôle et les rivets à coups redoublés. On se croirait dans un vaste atelier de forgeron "

Notes d’explication communiquées par M. Lullin : " Depuis deux années déjà, le gouvernement français fait travailler activement à la route impériale qui doit relier tout l’arrondissement de Saint-Julien avec la station de Collonges, mais le pont sur le Rhône entre Vulbens et Collonges avait présenté des difficultés invincibles jusqu’ici. Tandis que la rive droite offrait un terrain parfaitement solide et rocheux, la rive gauche ne présentait qu’un sol rapporté, où les infiltrations de l’eau rendaient toute fondation impossible. Après avoir passé l’année en vaines tentatives, l’administration des Ponts et Chaussées, se décida à employer pour la culée de gauche le système de fondation par l’air comprimé. Ce système consiste à enfoncer dans le sol un colossal caisson en tôle et en charpente de fer, ouvert par le fond et parfaitement étanché par sa partie supérieure. Pendant que l’on construit la maçonnerie sur le caisson, et que le poids de cette maçonnerie le fait descendre, des ouvriers travaillent dans l’intérieur à creuser le terrain en faisant sortir les matériaux par une cheminée centrale munie de tiroirs à joints de caoutchouc. Pour résister à l’eau qui tend à faire irruption dans le caisson par le sous sol, une pompe à air, mise en mouvement par une puissante machine à vapeur, refoule constamment de l’air comprimé par un tuyau spécial. Ainsi, les ouvriers peuvent travailler à sec à une profondeur de trente à quarante pieds sous l’eau, sans autre difficulté qu’un peu de fatigue dans la respiration. Une fois descendu à la profondeur voulue, le caisson, ainsi que la cheminée sont garnis de maçonnerie et feront masse avec le reste de la culée. La confection du caisson et les manœuvres pendant le forage demandent des soins particuliers et font de ce genre de construction un des travaux les plus intéressants de l’art de l’ingénieur. Tous les travaux en fer du pont de Collonges ont été exécutés par l’usine de MM. Lullin et Cie, à la Coulouvrenière, près de Genève. Les travaux de forage ont lieu sous la direction de M. Masson, entrepreneur français établi à Genève. Le pont de Collonges doit être achevé en 1870. Il prendra rang à côté des ponts de Kelh, sur le Rhin, de Culoz sur le Rhône, de Perrache sur la Saône, qui ont été également fondés au moyen de l’air comprimé. Il sera en outre remarquable par ses proportions, car il sera formé d’une seule arche de 40 mètres d’ouverture et la clé de voûte se trouve à 23 mètres au-dessus du Rhône. Ces dimensions grandioses, comme le caractère pittoresque du site, tout près de la gorge du Fort de l’Ecluse, en feront un but intéressant d’excursion ".

Note d’après les archives de M. Droubet : " En 1870, la guerre éclate entre l’Allemagne et la France et le chantier est mis en veilleuse à cause de la mobilisation de l’ingénieur des Ponts et Chaussées responsable, Sadi Carnot. La situation s’étant passablement dégradée, l’armée de l’Est en déroute, le gouverneur militaire de Lyon donna l’ordre au maire de Vulbens de prendre toutes dispositions pour détruire par le feu l’échafaudage du pont : Gros débat de conscience pour un maire qui devait anéantir un ouvrage souhaité de longue date et qui approchait de son terme. Heureusement, la Suisse accepta d’accueillir les 150 000 hommes de l’armée de Bourbaki et le chantier n’eut pas à subir le triste sort qui lui était réservé. La construction de la nationale 206, route dite de Collonges Fort l’Ecluse à Thonon commença en 1868 sur le tronçon de 4 700 mètres du " pont sur le Rhône jusqu’à la maison de Benoît Alexis et Auguste " à Faramaz. Les travaux furent enfin terminés en 1873 ".

Voir également quelques cartes postales du pont Carnot : carte d’indice 19, carte d’indice 149, carte d’indice 151, carte d’indice 528.

Collection M.-T. Ducret.



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