Bureau d’études des Ateliers des Charmilles (mai 1941)
Éditeur | : Amateur | N° de carte | : - |
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Commune | : Genève | Lieu-dit | : Les Charmilles |
Les ingénieurs du bureau d’études du département des turbines hydrauliques des « Ateliers des Charmilles », à la rue de Lyon à Genève sont en train de concevoir et dessiner les quatre groupes hydrauliques à turbines Kaplan qui équiperont l’usine hydroélectrique de Verbois sur le Rhône, actuellement en cours d’exécution dans le canton de Genève, depuis 1938. L’entreprise vient de décrocher le contrat pour la réalisation de l’équipement hydraulique de cette importante réalisation.
Les « Charmilles » représentent une des industries essentielles du canton de Genève qui, à l’instar de la SIP et de Sécheron, constituent une des entreprises “historiques” autour desquelles s’est développé le tissu industriel genevois.
L’histoire de l’entreprise est résumée en 1963 par son directeur général de l’époque, monsieur P. Waldvogel, ingénieur, docteur ès sciences techniques, dans un article du « Bulletin technique de la suisse romande », intitulé « Le Groupe des Ateliers des Charmilles » :
« C'est sans doute à l'année 1861 qu'il faut remonter pour écrire l'histoire ou la préhistoire des Charmilles. En effet à cette date fut fondée, à Genève, la société « F. Staib & Cie », fabriquant des appareils de chauffage, mais qui, très rapidement, s'intéressa également aux turbines hydrauliques. En 1872, elle transformait sa raison sociale en « Weibel et Briquet & Cie », société dans laquelle Paul Piccard, professeur de mécanique à l'Académie de Lausanne, apparaissait pour la première fois en 1876. Avec l'arrivée de Théophile Pictet en 1896, l'entreprise prit le nom de « Piccard-Pictet & Cie » et s'installa en 1898 à la route de Lyon, sur les terrains qui sont aujourd'hui les nôtres. Relevons, parmi beaucoup d'autres, quelques événements marquants au cours de cette période : en 1895 Paul Piccard dessinait et faisait exécuter les turbines de 5000 ch du premier équipement des chutes du Niagara, et, sensiblement à la même époque, il créait un régulateur hydraulique avec asservissement, cependant que Léon Dufour inventait et brevetait le double réglage de la turbine Pelton (pointeau et déflecteur). Par ailleurs, Piccard-Pictet s'était lancé avec succès dans l'industrie automobile en 1905. La réputation des voitures « Pic-Pic » ne tarda pas à être au niveau de celle des turbines hydrauliques « Piccard-Pictet » et les plus âgés d'entre nous se souviennent encore fort bien de ces belles voitures, puissantes et robustes. Les soins méticuleux que nos arsenaux apportent à l'entretien du matériel qui leur est confié réalisèrent cette prouesse qu'en 1930 notre armée en comptait encore un bon nombre. Mais, durant les années 1919-1920, la conjonction de trois éléments principaux : les difficultés économiques extrêmement graves que traversait l'industrie suisse d'exportation, la naissance dans tous les pays industriels voisins d'une très forte industrie automobile à l'abri de tarifs douaniers littéralement prohibitifs, et enfin la brusque disparition de l'industrie des armements, eut tôt fait de mettre les finances de la maison Piccard-Pictet dans une situation plus que précaire et qui finalement aboutit à une faillite.
C'est à l'esprit réaliste et dynamique de M. Léopold Dubois, alors président de la Société de Banque Suisse, à son dévouement et à sa foi dans les destinées industrielles de la Suisse romande, que les « Ateliers des Charmilles S.A. » sont redevables de leur fondation en 1921. Son action était animée par deux idées : la première d'utiliser ce qu'il estimait viable dans l'héritage Piccard-Pictet », c'est-à-dire la renommée internationale des turbines hydrauliques conçues et exécutées à Genève, la seconde de mettre à profit la disponibilité d'une personnalité exceptionnelle qu'il avait eu l’intuition et le mérite de découvrir et d'apprécier en M. René Neeser, alors professeur d'hydraulique l'Ecole d'Ingénieurs de Lausanne et ancien chef du département turbines de Piccard-Pictet. M. Neeser devait rester à la tête de notre société, les dernières années comme président du Conseil d'administration jusqu'en 1959, réalisant une magnifique symbiose d'une carrière couronnée de succès et de l'essor de notre maison. Mentionnons, au passage, qu'il présida la SIA de 1937 à 1943 avec autorité et distinction. Nous signalerons très succinctement quelques performances qui jalonnent la route parcourue par les Charmilles durant un peu plus de quarante années : trois turbines de 8700 ch chacune à Chancy-Pougny, qui eurent un immense retentissement du fait des valeurs élevées de leur rendement ; cinq grandes machines à hélice de 36 000 ch équipant l'usine de Kembs sur le Rhin, en aval de Bâle, qui devaient être à l'origine de notre collaboration avec l'Alsthom sur le marché français ; en 1928, la commande des turbines Kaplan de 42 000 ch pour Ryburg-Schworstadt, sur le Rhin argovien, une réalisation qui fit date dans l'équipement hydraulique de notre pays ; enfin, à une époque plus récente, Verbois, Chandoline, Fionnay-Nendaz, tous noms qui nous sont familiers. Parallèlement, les turbines Charmilles qui équipaient un nombre toujours croissant de centrales dans les pays d'outre-mer et se signalaient par les incessants progrès de leur technique : Madingusha et Delcommune au Congo, Cubatao et Nilo-Pecanha au Brésil, Aswanen Egypte, Snowy Mountainsen Australie, et tout récemment Koyna en Inde.
Je ne terminerai pas cet historique de notre département hydraulique sans mentionner l'accord conclu, il y a quelques années, avec la grande firme zurichoise Escher-Wyss, selon lequel les deux maisons réalisèrent très tôt une intégration originale en mettant entièrement en commun les ressources et les résultats de leurs deux laboratoires d'hydraulique, tout en conservant pleine et entière leur indépendance commerciale ».
Roger Hauert, le porteur de lunettes, qui a pris le cliché au moyen d’un retardateur, pose avec ses collègues au milieu de leur outil de travail que représentent les imposantes planches à dessin.
Cliché de Roger Hauert. Collection B. Hauert.