Camp magdalénien au pied du Salève vers 13 000 avant J.-C. (dessin d'André Houot)
Éditeur | : Amateur | N° de carte | : - |
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Commune | : Étrembières (74) | Lieu-dit | : Le Pas de l’Échelle |
« Les abris sous blocs de Veyrier-Étrembières - Sur les traces des chasseurs-cueilleurs du Magdalénien » par Véronique Ramseier.
A l’époque de l’optimum glaciaire
Il y a un peu plus de 20 000 ans, durant l’optimum glaciaire (période à laquelle les glaciers du Rhône et de l’Arve se sont rejoints et sont descendus jusque dans la région lyonnaise), le plateau suisse, ainsi que la vallée du Rhône et de l’Arve, étaient entièrement recouverts d’une gigantesque calotte glaciaire de 600 à 800 mètres d’épaisseur. Seul le sommet du Salève, ainsi que quelques crêtes du Jura, restent visibles.
Le retrait glaciaire
Vers 18 000 av. J.-C. débute le retrait glaciaire qui nous lègue notamment les deux blocs erratiques immergés dans l’actuelle rade de Genève : les pierres du Niton. La fonte des glaces laisse en effet la place à un vaste plateau et à un lac - jusque-là emprisonné dans la glace - qui connaît de fait une véritable renaissance alors que dans le reste du bassin genevois de nombreux autres petits lacs se transforment en marais comme à Troinex où une végétation aquatique se développe abondamment.
La période interglaciaire
Cette nouvelle période qui s’annonce, que l’on appelle « l’âge interglaciaire », permet à la région d’être progressivement colonisée par la faune et la flore. C’est ainsi qu’apparaît une forêt claire composée d’une mixité de genévriers, de bouleaux, de saules, d’argousiers et de quelques rares pins qui côtoient aussi de très nombreuses prairies.
De grands animaux comme les mammouths laineux et les rennes s’installent à cette époque dans la plaine avant de migrer vers le nord – plus froid – laissant ainsi la place aux chevaux sauvages, aux sangliers et aux ours.
L’important développement de la faune sauvage va attirer, vers 13 000 av. J.-C., les chasseurs-cueilleurs du Magdalénien qui vont s’arrêter occasionnellement dans les abris-sous-blocs situés sur les flancs du Salève. Cette montagne des Préalpes (qui en réalité appartient géologiquement à la chaîne du Jura) a en effet subi lors du retrait glaciaire un gigantesque effondrement de sa paroi nord qui a créé, à son pied, un enchevêtrement d’énormes blocs calcaires ménageant des espaces vides et abrités.
Au paléolithique supérieur : les Magdaléniens de Veyrier
Ces peuples de chasseurs-cueilleurs, venus du sud, ont pour habitude de poursuivre des troupeaux de chevaux et de rennes. Ils ne savent pas encore cultiver ni élever du bétail, mais ils domestiquent cependant déjà le chien. Dans les abris sous blocs au pied du Salève ce sont essentiellement des camps de chasse saisonniers qui sont établis et occupés à plusieurs reprises au cours de l’année. La zone d’exploration autour du campement se situe en règle générale à moins de 2 heures de marche, soit dans un rayon maximal d’environ 10 km.
De leurs passages dans ces abris situés au pied du Salève, les Magdaléniens vont nous laisser un témoignage important : vestiges de foyers, ainsi que différents outils confectionnés en silex, en os, en bois de renne ou de cerf - comme des burins, des perçoirs, des grattoirs, des harpons, des propulseurs et autres bâtons percés souvent ornés d’un motif animal ou végétal ; mais aussi des parures confectionnées à l’aide de dents ou de coquillages.
Les ossements qui seront découverts au cours du XIXe siècle permettent d’affirmer que les espèces chassées par les Magdaléniens pouvaient se diviser en deux groupes. Le premier, avec des animaux spécifiquement liés à la forêt comme l’ours, le cerf, le lynx ou le sanglier. Le second, plutôt lié aux zones marécageuses où l’on trouvait l’élan, le lagopède et le castor.
L’exploration des abris sous blocs au XIXe siècle
Le site préhistorique des abris sous blocs de Veyrier-Étrembières a été exploré par plusieurs érudits genevois du XIXe siècle dont le Dr François-Isaac Mayor (1779-1854) qui explore pour la première fois, dans le courant de l’année 1833, un abri dans les carrières du Salève. Il y découvre notamment : ‘’une tige bordée d’épines travaillées par la main de l’homme’’. Il s’agit probablement d’une tête de harpon.
Le Dr Mayor ignore encore l’importance de sa découverte, mais nous savons aujourd’hui qu’il est le premier savant à avoir récolté un objet sculpté magdalénien sur un site exempt de tout mélange et qui ne soit pas la tanière d’un prédateur. Cette découverte va marquer le début des investigations des carrières par plusieurs autres savants genevois.
Au fil de l’avancement du front des carrières, le site est régulièrement visité par de très nombreux notables et scientifiques genevois comme Louis Taillefer, Elie-François Wartmann, Guillaume-Antoine Deluc, Alphonse Favre, Burkhard Reber, Alfred Cartier ou Raoul Montandon
Les abris sous blocs du site de Veyrier-Étrembières tiennent une place importante dans l’histoire en raison de la précocité de leur découverte et au fait que les établissements de cette époque ne sont pas fréquents en Suisse occidentale.
Dans les carrières du Salève
La carrière Chavaz (englobant l’ancienne carrière Fenouillet), où se trouvent la plupart des abris paléolithiques, est la plus riche en découvertes. Tous les vestiges - la plupart du temps mis à jour par les carriers - ont été sauvés par Adrien Jayet (1896-1971) lors des nombreuses visites qu’il a entrepris au pied du Salève.
Entre 1934 et 1937, Adrien Jayet suit très régulièrement les travaux des carriers car les frères Chavaz avaient redécouvert un abri sous blocs sur lequel étaient inscrites les dates de 1840 et 1846. Adrien Jayet a émis l’hypothèse qu’il s’agissait là de l’abri Mayor.
Naturaliste de formation, Adrien Jayet récolta ainsi de nombreux objets magdaléniens dans les déblais et réalisa également un plan de localisation des différents abris. Il remplit des carnets entiers de données et de notes relatives à la sédimentation, à la botanique ou à la géologie locale. Entre 1946 et 1947, il découvre également des vestiges datant de l’Age de Bronze.
Aujourd’hui, suite à l’exploitation des carrières et à la construction de l’autoroute A40, le site préhistorique des abris sous blocs de Veyrier, ainsi que son environnement naturel, a totalement disparu. Les carrières du Salève ont certes permis des découvertes fantastiques mais elles ont aussi été fatales à ce gisement archéologique.
Grâce aux découvertes faites par des érudits comme le Dr Mayor et ses compagnons, et aux recherches scientifiques menées par le professeur Adrien Jayet et son élève le professeur Alain Gallay, nous pouvons aujourd’hui nous faire une idée plus précise de ces abris sous blocs, des hommes qui y vivaient, ainsi que de la faune et de la flore qui prédominaient à cette époque.
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