La place de Chevelu de nuit (1946)
Éditeur | : Amateur | N° de carte | : - |
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Commune | : Genève | Lieu-dit | : Quai des Bergues |
Située à l’extrémité de la rue Rousseau et à l’angle du quai des Bergues, la rue (ou place) de Chevelu se situe à la limite du quartier de Saint-Gervais, qui avec le quartier de la Cité, formait la vieille ville de Genève. Au Moyen Âge, ces quartiers étaient réunis par une même enceinte de fortification de part et d'autre du Rhône. L'enceinte fut démolie en 1850. La rue de Chevelu porte un nom dont l’origine est incertaine. Pour certains, son nom vient sans doute de l'un des propriétaires du quartier. En effet, en 1522, le dizenier (magistrat municipal responsable d'une subdivision de quartier) du secteur de « la Villeureuse de Saint-Gervais » dont cette place faisait partie, se nommait Jean Chevellu. Pour d’autres, une explication du nom de cette place est extraite de l’ouvrage « Chroniques de Genève de François Bonivard » de 1851 : « Les marchands français, presque tous Normands, logeoient et tenoient foire à Saint-Gervais, et on désigna la principale rue de ce quartier par le nom de Coutance, ville considérable de la Normandie. Les forains avaient coutume de loger leurs voitures et chevaux dans la rue de Chevelu, jadis Chevalu, où se trouvoient des locaux disposés à cet effet, et c’est de là que lui vient son nom. Elle est encore principalement habitée par des voituriers, charrons et selliers ».
Longtemps on attribua à tort à la rue Chevelu le lieu de naissance de Rousseau et l'on y apposa une plaque commémorative au numéro 69. Il s'instaura une sorte de pèlerinage et les intellectuels tels Dumas, Balzac, Hugo, Stendhal vinrent s'y recueillir. Il n'était pas acceptable pour les « comités révolutionnaires » que Jean-Jacques Rousseau soit né dans un quartier bourgeois de la « Haute Ville ». La maison concernée est en fait la résidence que son grand-père paternel, David Rousseau, avait acquise en 1706. Il s’agit d’une petite habitation avec jardin attenant au Château Royal, dans laquelle Jean-Jacques aimait rendre visite à son grand-père et jouer dans le jardin. Une des portes du jardin donnait sur la rue de Chevelu et ceci explique certainement pourquoi on appela la rue de Chevelu rue Rousseau.
Sur la place sont garées deux automobiles, encore rares à cette époque, au sortir de la guerre. On peut y reconnaître la très célèbre et répandue « Traction avant » de Citroën, dont le surnom vient de sa particularité d’avoir les roues motrices sur le train avant. A sa sortie en 1934, elle a de nombreuses années d'avance sur la concurrence grâce à ses multiples innovations technologiques, dont le fameux dispositif à cardans. Indissociable de l'histoire de la marque Citroën, son histoire est liée dans la mémoire collective française à l’Occupation, tour à tour voiture de la Gestapo et icône de la Résistance. Elle est également le véhicule préféré des gangsters, le fruit de qualités routières exceptionnelles pour son époque. L’autre véhicule semble être une Hotchkiss, du constructeur automobile et manufacturier d'armes français, qui exista de 1904 à 1954. La marque Hotchkiss était soucieuse de développer une gamme voulant représentée le « juste milieu », c'est-à-dire des voitures se retrouvant entre les populaires de Peugeot, Renault et Citroën, et les automobiles de luxe de Delage, Rolls Royce, Talbot...
En fond d’image on distingue de grands arbres qui sont implantés sur l’Île Rousseau, située au milieu du pont des Bergues.
Cliché de Roger Hauert - Collection Bernard Hauert.