Photos et cartes postales

La Charrière

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Éditeur : Pittier, AnnecyN° de carte : 1528
Commune : Cruseilles (74)Lieu-dit : La Charrière

Cette rue a inspiré des poètes à leurs heures perdues qui se sont armés de leur plume pour lui rendre hommage, « Le Grand Chemin et la Charrière » rédigé par le docteur Henry Bouchet (1873-1946) (voir ci-dessous), et les deux poèmes composés par Janine Fournier, « La Charrière » en juillet 1986 et « La Charrière n’est plus une Rue ; c’est un Garage ».

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Le Grand Chemin et la Charrière

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Le Grand-Chemin, jamais n’avait vu la Charrière,

Il savait bien que là, ou là-bas, par derrière,

Les maisons des Barut, des Lisé, des Guiguet

Il y avait une sœur... Un jour il fit le guet,

Par un long corridor, aux entrailles accortes,

Alors qu’en un moment s’ouvraient toutes les portes,

Il put très attentif, apercevoir sa sœur.

Je suis heureux, dit-il ; j’avais gros sur le cœur

De ne point te connaître. O Petite Charrière,

Combien je serais fier, combien tu serais fière,

S’il était permis de nous embrasser. Mais

Cet étroit corridor nos sépare à jamais.

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Voyons, que fais-tu donc ? Tu parais endormie,

C’est chez toi le silence. Es-tu morte ma mie ?

Je n’entends de chez moi que l’aboiement d’un chien.

Pourtant le bruit d’un pas, un pas pressé, puis rien,

Pauvre sœur, je te plains, je crains que tu ne meures ;

Regarde donc chez moi… Toutes, toutes les heures

M’apportent les progrès de bienfaits incessants,

Auberges, cinémas aux films passionnants,

Bijoutiers, boulangers, bouchers et charcutiers,

Pharmaciens, bourrelier et tant d’autres métiers,

Services d’autobus, tous les jours, pour la ville.

Il ne passe chez toi que quelques gens pressés,

Pourquoi te fais-tu donc, ma sœur, si peu de bile ?

Peut-être as-tu la nuit, l’ombre des trépassés ?

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C’est bien, dit la Charrière. O Grand Chemin, mon frère,

Je n’ai besoin de rien, j’ai de quoi me distraire.

J’ai le premier journal, avant vous, le matin,

Et j’ai des cabarets, où l’on fait, sans potin,

Chaque soir le tarot, le piquet, la belote ;

Et Chiffonnier chante en balançant sa hotte.

Mes greniers sont remplis ; mes caves ont du vin.

Nous sommes satisfaits. Nous plaindre serait vain,

Voyez mes magasins avec leurs étalages ;

Dire tout ce qu’ils ont, Il me faudrait des pages,

Et mes vieilles chansons, où nos vieux papiers ont laissé

Des souvenirs nombreux évoquant le passé,

Et la suite des toits, découpés en dentelles,

Qui nous paraissent faits pour des nids d’hirondelles.

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Enfin, j’ai le clocher, le clocher est à moi,

Qui plus que le clocher nous donne autant d’émoi ?

Quels joyeux carillons au moment d’un baptême,

Ou quand sort de l’église un couple fier qui s’aime.

C’est lui qui porte aussi notre deuil dans ses glas ;

Et quand le laboureur rentre le soir, bien las ;

Quand sonne l’Angelus et s’éteint la lumière,

Son genou s’assouplit pour se mettre en prière.

La Charrière a parlé...

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Aussi le Grand Chemin

Ne parut satisfait que quand une main

Qui du long corridor, ferma toutes les portes ;

Et le babil cessa ; les deux voies étaient mortes.

Docteur Henry Bouchet

Collection M. Sublet. Merci à M.-F. Locatelli.



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