Le Petit étang
Éditeur | : - | N° de carte | : - |
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Commune | : Cruseilles (74) | Lieu-dit | : - |
Le poème Petit étang a été écrit par le docteur Henri Bouchet (1873-1946), surnommé « le médecin des pauvres », lorsque la municipalité en 1944 fit combler ce que l'on nommait à l'époque « le petit étang ». Historiquement en arrivant des Bornes, une vaste zone marécageuse s'étendait depuis les Dronières jusqu'à l'entrée de Cruseilles. Lorsque Cruseilles était ceinturée de fortifications, la rue principale de la ville, La Charrière, avait un pont-levis pour franchir un ruisseau et marais très important pour accéder à la route qui conduisait à Genève ainsi qu'à un ensemble de maison dénommé Le Pontet.
Dans le langage populaire, il y avait deux étangs : le grand étang aux Dronières et le petit étang ; celui-ci débutait au lieu-dit Les Gorges jusqu'à l'ancienne forge de Cyril Ducret à l'entrée du bourg puis l'eau s'écoulait par un bis en direction des moulins.
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Il était un étang ; bien petit, tout jeté au pied de la Molière ; frissonnant sous la brise et goulu de lumière ; grand-mère l'aimait tant.
Il était près d'ici, sur la route des Gorges ; au bout de son jardin ; côtoyant le chemin ; tout près de la maison, maréchal où tu forges.
Il avait ses oiseaux ; qui s'en venaient jouer avec les libellules ; dont l'aile frappant l'eau faisant naître des bulles ; qui crevaient aux roseaux.
Par son bief au moulin, il apportait la vie ; Moulin dont le nom seul ; reste comme un linceul ; recouvrant du passé l'histoire ensevelie.
Et grand-mère aimait tant ; entendre vers le soir les grenouilles ses hôtes ; dont le gosier rempli de grelots et de notes ; s'amusait de leur chant.
Il avait son lavoir ; au pied de sa berge, où, quand lassées d'être seules ; s'en venaient très souvent se grouper nos aïeules ; pour causer et savoir.
Mais notre étang moiré ; disparut un beau jour sous des monceaux de terre ; et quand il fut défunt, disait notre Grand-mère ; les saules ont pleuré.
Qui donc n'ont point pleuré ? avec les libellules ; les oiseaux ont pleuré ; leur vol désemparé ; les a jetés épars où sont les crépuscules.
Et bien triste et priant (car grand-mère n'est plus), j'ai porté sur sa tombe ; les trois derniers roseaux sauvés de l'hécatombe ; qui restaient de l'étang.
Dites Monsieur le maire, faite creuser là-bas ; je vous aimerai tant ; si vous nous redonnez notre petit étang ; car reviendrait grand-mère.
Poème du docteur Bouchet, écrit à Cruseilles le 8 janvier 1944.
Merci à M.-F. Locatelli pour le texte et à M. Sublet pour la carte postale.