Les Hutins
Éditeur | : CIM, Combier Imprimeur, Mâcon | N° de carte | : 33067 |
---|---|---|---|
Commune | : Monnetier-Mornex | Lieu-dit | : Mornex |
Intéressante et rare photo aérienne de Mornex au-dessus de la propriété de l'Armée du Salut avec au centre de l'image la belle maison « Les Hutins ».
Le mot « Hutin » signifie « guirlande de vigne » ou « vigne entrelacée avec les arbres ». Jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle la vigne était disposée en hutins, c'est-à-dire en cordons bas attachés à des arbustes taillés. Ce terme n'est guère plus utilisé que dans le midi de la France et en Savoie.
Extrait de l'article de Claude Weber : « La villa Saint-Georges, les Hutins et l'Armée du Salut à Mornex » paru dans le bulletin « Salèves » n° 43 (été 2002) :
« C’est une propriété de 79 ares, champs et prés, située en-dessous et contiguë à la villa Leirens, achetée en 1872, par Mme Henriette Kunkler, née Chastel (1836-1902) veuve d’Adrien Kunkler (1829-1866) un peintre de Saint-Gall, en Suisse. Elle avait deux filles : Laure et Adrienne dite « posthumette ». La première épousa l’architecte Louis Viollier, tandis qu’Adrienne épousa Louis Charlier (1861-1937), plus tard amiral et préfet maritime de Rochefort-sur-Mer, ces derniers morts à Mornex et enterrés à Monnetier.
« Les Hutins » ont été construits pour Mme Henriette Kunkler-Chastel, par son gendre l’architecte Louis Viollier. Les Charlier ont deux filles : Elsie et Dora. Elsie (1898-1980) épousera Samuel-Pierre Loti-Viaud, le fils de l’écrivain Pierre Loti, qui d’après Gérard Lepère, « navigua à la même époque et dans les mêmes océans » que Louis Charlier. Ils se connurent et habitèrent à Rochefort.
Les Viaud ont deux fils Jacques et Pierre qui passent leurs vacances à Mornex avant de s’installer à Paris. La seconde fille, Dora (l903-1983) épouse le soyeux Jacques Gardiol (1898-1954). Ils achèteront « Le Manoir », à Mornex, où ils vivront dès 1932. Il sera revendu en 1985. Un fils, Adrien Charlier, cède ses droits à ses sœurs en 1936 et finit par se suicider.
En 1951, après de nombreuses études des lieux, la vente est signée, entre Mme Dora Gardiol et l’Armée du Salut qui l’occupera immédiatement. Il s’agit d’une maison « Les Hutins » et d’un bâtiment secondaire à l’entrée, entourés d’un parc lui aussi planté de beaux arbres. Les deux propriétés complémentaires, sont donc réunies et prendront le nom de « Résidence Leirens ».
L’Armée du Salut ou « Eglise de la Rue » a été fondée par William Booth (1829-1942) dans l’Angleterre industrielle du 19e siècle. Né pauvre à Nottingham, il travaille comme apprenti au Mont-de-Piété de sa ville et est plongé très jeune dans la misère la plus profonde. Par souci d’efficacité, il organise l’Armée du Salut suivant le modèle militaire. Un de ses slogans est : « Soupe, Savon, Salut ». Il faut « faire reculer la misère, lutter pour la dignité de l’homme, annoncer l’évangile ». L’Armée du Salut est maintenant partout dans le monde, représentée par deux millions et demi de salutistes et sympathisants. Leur rayonnement s’étend par l’évangélisation, l’action sociale : centres d’hébergement et d’accueil, de réinsertion au travail, de post-cure pour toxicomanes, de maisons du troisième âge et de repos. En France, dès 1881, trois jeunes filles, dont la fille des fondateurs Catherine Booth, commencent leur travail à Paris.
À Mornex, le legs de « La Volière » arrive au début de la guerre. Une session de l’École Militaire a lieu en 1942, puis le 9 janvier 1943, l’Armée du Salut est dissoute par le Maréchal Pétain. La gérance de la propriété de Mornex, revient à l’Association des Diaconesses de Reuilly. Malgré cette décision, en décembre de la même année, le chef du gouvernement Pierre Laval, autorise la Direction des Domaines de la Seine, « administrateur séquestre » de l’Armée du Salut à accepter le legs Leirens, par le décret n° 33681 de Vichy.
Tout s’arrange après la guerre où l’Armée du Salut est rétablie et dirigée par le colonel De Jonghe, à l’origine de la péniche de l’Armée du Salut, sur la Seine, à Paris, qui héberge les clochards. Après avoir rempli à la lettre les désirs de Mme Bally-Leirens, la maison de repos étant jugée non conforme par la Sécurité Sociale, doit se recycler. Ce sera fait en 1990. D’après les indications de l’Armée-du-Salut « la vente des biens mobiliers, entre 1992 et 1997, a permis le financement du projet de maison de retraite pour adultes handicapés. Son récent réaménagement peut maintenant être considéré comme la transition entre son passé et son avenir ».
Claude Weber.
« Remerciements : Pour pouvoir écrire cet article, il a fallu éclaircir bien des points avec les gens concernés : Major Daniel et Mme Alegre, en charge de l’Armée-du-Salut à Mornex, Mme Véronique Gardiol, descendante de l’amiral Charlier, Mme Jacqueline Weber-Stocker, coreligionnaire et voisine, Mlle Suzanne Lapiné dont les parents avaient reçu la visite, quelques jours avant sa mort, de Mme Bally-Leirens, portant une fourrure de renard empestant la naphtaline. M. Douglas Read, de l’Eglise anglicane de Genève, recherchait des renseignements sur les Schaef et les Jephson, habitants de la villa Saint-Georges, fin XIXe siècle. Mlle Anne-Marie Deschenaux a cherché, sans succès, d’éventuelles traces de l’installation de l’Armée du Salut à Mornex, dans les archives de la Mairie. Quant à M. Gérard Lepère, c’est une mine de renseignements, glanés de ci de là, au cours des années et mis en ordre dans son ordinateur. En, plus, il a fourni les illustrations, à partir de sa collection de cartes postales anciennes du Salève ».
Un incendie s’est déclaré le 3 avril 2015 vers 11 h dans les Hutins transformé en foyer social. « Le feu qui a pris au premier étage de la résidence s’est ensuite propagé aux combles du deuxième étage ainsi qu’au rez-de-chaussée. Rapidement sur place, la quarantaine de pompiers a procédé à l’évacuation des huit occupants présents au moment du sinistre : l’un d’entre eux a été légèrement intoxiqué par la fumée tandis qu’un pompier a quant à lui été blessé à une jambe lors de l’intervention qui s’est déroulée sous les yeux du maire Philippe Maume et du sénateur Cyril Pellevat. Selon les premiers éléments de l’enquête, le dysfonctionnement d’une plaque de cuisson électrique serait à l’origine de cet incendie. Au final, la quasi totalité du foyer est partie en fumée, nécessitant le relogement des douze occupants. Une solution provisoire a été trouvée dans un bâtiment attenant à la villa Leirens appartenant à la Maison du Salut. À plus long terme, une solution devrait être trouvée avec les services de l’État pour héberger les douze occupants dans diverses structures spécialisées. » Le Dauphiné du 4 avril 2015.
Cette carte est à rapprocher de la carte d’indice 549.
Merci à M. Déprez. Collection G. Lepère.